L’Europe doit augmenter rapidement son soutien militaire à l’Ukraine pour assurer la victoire de Kiev. Ne pas y parvenir menacerait la sécurité et la crédibilité de l’UE et enhardirait Moscou.
Les Européens ne peuvent pas se permettre de laisser traîner la guerre en Ukraine.
Plus cela durera, plus les victimes et les destructions augmenteront. Des villages, des villes et des villages entiers ont déjà été réduits en miettes. Des millions d’Ukrainiens ont été déplacés ou ont quitté le pays. De vastes étendues des régions orientales ont été transformées en champs de mines.
Alors que les institutions de l’UE se remettent au travail après les vacances d’été, ses dirigeants et les gouvernements européens ne peuvent pas se permettre d’accepter la guerre en Ukraine comme la nouvelle normalité. L’Occident – et cela inclut l’OTAN – ne peut pas non plus envisager l’heure des négociations entre Kiev et Moscou, même si une certaine lassitude de guerre peut s’installer.
Les négociations ne pourront commencer que si le président ukrainien Volodymyr Zelensky est dans une position suffisamment forte pour en fixer les conditions. Ces conditions ne visent pas seulement à restaurer l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Il s’agit de garantir que la Russie n’attaque ou ne menace plus Kiev. Mettre fin à la guerre signifie mettre fin aux ambitions impériales de la Russie dans cette partie de l’Europe.
Sans ces objectifs à l’esprit, le continent européen sera instable, divisé et faible. Il sera incapable d’agir de manière stratégique. Et elle sera incapable de faire face aux immenses défis exacerbés par les deux invasions russes de l’Ukraine en 2014 et 2022.
L’un de ces défis consiste à trouver une solution au déficit de sécurité de l’Europe. La situation était déjà assez grave pendant la guerre en ex-Yougoslavie, qui a suscité une réponse européenne faible et divisée. Les Européens n’avaient tout simplement pas la capacité militaire d’y mettre fin. Et malgré les plaintes incessantes des États-Unis concernant la réticence de l’Europe à dépenser davantage pour la défense et à intégrer ses structures militaires, peu de résultats ont été obtenus depuis.
Qui plus est, l’ancien président américain Donald Trump ne se lasse jamais de critiquer les Européens qui tiennent pour acquises les garanties de sécurité américaines et qui ne dépensent pas suffisamment pour leur propre défense. (En fait, les chefs du Pentagone, qu’ils servent sous des présidents républicains ou démocrates, n’ont pas non plus mâché leurs mots sur l’état préoccupant de la défense européenne.)
Le mandat de Trump aurait dû donner aux Européens l’occasion idéale de commencer à prendre leur sécurité au sérieux. Ils n’ont pas sauté. En outre, la guerre menée par la Russie en Ukraine montre une fois de plus que de nombreux pays européens ne comprennent toujours pas que leur propre sécurité est en danger.
C’est l’autre aspect de la guerre. Cela a laissé les Européens de plus en plus dépendants du soutien des États-Unis à l’Ukraine. Et elle n’a toujours pas inculqué aux Européens une culture stratégique basée sur la sécurité et le hard power. Sans une infrastructure de sécurité solide et intégrée, l’Europe restera vulnérable, quel que soit le prochain président des États-Unis élu en 2024.
Il est difficile d’imaginer quel pays de l’UE prendra la tête de la promotion de cette culture stratégique. Certainement pas l’Allemagne, étant donné que la coalition du chancelier Olaf Scholz édulcore la Zeitenwende qui visait à faire de Berlin un acteur sérieux en matière de défense et de sécurité grâce à des dépenses plus élevées et à une modernisation des forces armées.
Il est également difficile de comprendre pourquoi l’UE – à l’exception de la Pologne, des États baltes, de la République tchèque et de la Roumanie – ne voit pas pourquoi une victoire ukrainienne rendrait l’Europe plus stable et plus sûre.
L’autre défi auquel sont confrontés les Européens, y compris l’OTAN, est le besoin de conviction.
Il ne suffit pas que les dirigeants et les ministres de la Défense disent ad nauseam qu’ils soutiendront l’Ukraine « aussi longtemps qu’il le faudra » ou que l’Ukraine doit gagner. Comment cela va-t-il se produire si le pays ne dispose pas des équipements militaires essentiels ? Et si des rumeurs circulent dans certaines capitales européennes et à Washington selon lesquelles l’offensive ukrainienne n’a pas été assez rapide ni assez efficace, la raison en est que l’Ukraine n’a pas le soutien militaire nécessaire pour y parvenir.
C’est là qu’intervient le rôle de la conviction.
Si l’OTAN et l’UE sont engagées envers l’Ukraine, elles doivent alors traduire leurs paroles en actes. Lors du sommet de Vilnius en juillet, l’OTAN a laissé passer l’occasion d’agir avec courage et conviction. L’Ukraine aurait dû se voir proposer d’adhérer sur-le-champ. Les garanties de sécurité proposées à la place n’ont pas été aplanies.
Les États-Unis et l’Allemagne ont mené l’opposition à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, au motif que cela entraînerait une escalade supplémentaire de la part de la Russie, voire une guerre mondiale. Dans l’état actuel des choses, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a déjà des implications mondiales, en termes d’énergie, d’approvisionnement alimentaire et d’alliances mondiales, y compris le soutien de la Chine à la Russie. Bref, la guerre en Ukraine ne se limite pas à l’Ukraine.
C’est l’autre défi, plus important. La guerre est un test pour l’Europe en particulier et pour l’Occident en général. Il s’agit de sécurité, de conviction et d’essayer de défendre des valeurs fondées sur la poursuite de la démocratie. En fin de compte, c’est pour cela que les Ukrainiens se battent.
Un compromis truqué nuirait à l’Occident et apaiserait – voire enhardirait – la Russie et ses partisans.
Source : carnegieeurope
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